Le nœud gordien de la crise du système éducatif sénégalais (Mamadou SY Albert)

Les étudiants et les syndicats des enseignants, singulièrement ceux de l’Enseignement supérieur, protestent énergiquement contre la décision gouvernementale consistant à orienter tous les bacheliers de l’année dernière, dans les Universités publiques. Cette posture de rejet, unanime ou presque, de l’accroissement vertigineux des effectifs des étudiants, par ces deux composantes que sont les étudiants et les enseignants, constitue un indicateur du seuil critique de l’état de dégradation de l’Enseignement supérieur et du système éducatif sénégalais. Les profils du bachelier et du diplômé du supérieur devraient être interrogés et remis en cause pour adapter la formation aux exigences et aux besoins du développement durable.
Ces facteurs d’une crise structurelle de longue durée, se traduisant par les déficits des infrastructures éducatives, du nombre des enseignants et des faibles moyens techniques, financiers de l’accompagnement de l’État, s’enchevêtrent à une question, non moins fondamentale, à savoir : le profil des bacheliers, des étudiants et la cohérence entre les cycles de formation de base et ceux du supérieur, avec le développement durable.
Le rejet de la décision d’orienter tous les nouveaux bacheliers, par les étudiants et les enseignants, est inédit en effet. C’est peut-être une première dans les annales de l’histoire des Universités publiques.
Le contexte dans lequel se meuvent ces deux composantes de la communauté universitaire, constituent certainement l’une des causes de cette posture radicale, par le rejet de l’orientation des nouveaux bacheliers et le refus de les accueillir dans les Universités. Les protestataires de la décision gouvernementale ont toujours défendu, et défendent encore, le droit des jeunes sénégalais à l’éducation pour tous, à la formation et à l’insertion décente dans la société sénégalaise.
Les sureffectifs dans les amphithéâtres et dans les salles de cours de travaux dirigés, sans oublier du reste les taux très élevés des échecs dans les premier et second cycles, peuvent alimenter l’attitude négative des aînés face aux cadets et nouveaux bacheliers. La posture des syndicats des enseignants du supérieur obéit elle aussi aux mêmes conséquences de l’immédiateté de la décision gouvernementale. Déjà qu’ils peinent à enseigner dans des amphis archicombles,  pleins à craquer, et à encadrer ce nombre pléthorique des apprenants…
Ce que l’autorité peine à expliquer, c’est l’état réel des finances publiques. Les moyens financiers des pouvoirs publics ne permettent guère au gouvernement d’envoyer de nouveaux bacheliers dans les Universités privées. Il risque d’aggraver sa dette colossale auprès du secteur éducatif privé, et ses finances, soumis aux nouvelles règles des Contrats de performance des universités, déficitaires à souhait. Le gouvernement a choisi l’option d’envoyer les bacheliers de l’année dernière dans les établissements sous son autorité administrative et politique.
Les moyens d’accompagnement attendront…. Cette fuite en avant de l’État provoque une véritable épreuve force entre le gouvernement et la communauté universitaire.
Au-delà de ces aspects d’une crise structurelle qui dure depuis quelques décennies, il y a lieu d’interroger le profil de l’actuel  bachelier sénégalais, de l’étudiant et la cohérence globale de notre système éducatif.
Être bachelier aujourd’hui n’ouvre à l’élève que le cycle supérieur dans les écoles de formation ou dans les Universités publiques ou privées. À défaut d’entrer dans les écoles de formation professionnelle et technique du secteur public ou privé, le nouveau bachelier est contraint de poursuivre ses études exclusivement dans les Universités publiques. C’est le choix d’ailleurs le mieux partagé, ou forcé, de ceux qui viennent d’obtenir leur premier diplôme universitaire. Les taux des échecs très élevés dans le cycle de la licence, ont des liens étroits avec la trajectoire de l’ancien élève. L’élève a une formation généraliste tout au long des cycles primaire, moyen et secondaire. Ces cycles n’ont pas réellement des liens pédagogiques avec le cycle supérieur.
La formation de l’élève est plus du domaine de la culture générale et du bourrage des crânes que de la formation à des aptitudes et des connaissances professionnalisant. La rupture entre ces cycles inférieurs, trop abstraits, et le cycle supérieur sera brusque, en raison du fait que le cycle supérieur a ses propres exigences : spécialisation, connaissance scientifique, recherche- développement et aptitudes techniques au développement personnel.
Le bachelier de l’école sénégalaise de base n’est guère ainsi préparé à affronter cet univers de l’Enseignement supérieur avec sa rigueur implacable, ses tares et ses missions fondatrices. Le nouveau étudiant va découvrir ce monde barricadé sur lui-même, à ses risques et périls.
Certains s’en sortent. L’écrasante majorité des étudiants subit la loi de la sélection. Elle se retrouve entre la rue publique et l’étranger. Le système éducatif souffre en réalité d’une bonne définition du profil de formation des nouveaux bacheliers et du diplômé du supérieur visé. La possession du parchemin  Baccalauréat et l’ambition d’acquérir d’autres titres et diplômes devraient être interrogées certainement. Car il doit être possible d’adapter la formation des élèves de Terminale à leur profilage universitaire et l’accueil des étudiants nouveaux bacheliers dans les filières de formation aux métiers, par leur préparation aux exigences de l’Enseignement supérieur pour une meilleure harmonisation de l’Enseignement supérieur croisé aux objectifs du développement économique et social : à savoir la génération de ressources humaines de qualité en parfaite adéquation avec la vie active socioprofessionnelle. Le monde du travail.

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