Par le biais de la presse, des responsables politiques et des proches du président de l’Alliance pour la République, le président de la République en exercice, expriment des états d’âme. Entre les lignes des frustrations, des colères noires et des déceptions contenues, se dessinent les contours d’un malaise profond de l’Alliance pour la République et de sa gouvernance de la République. L’état de la souffrance militante républicaine ne souffre de doute.
L’Apr fera-t-elle exception à la règle des signes précurseurs des fins de règnes désordonnées des pouvoirs socialistes et libéraux ? Les journaux privés se transforment subitement en des sources d’expression de l’état d’âme des responsables politiques de l’Alliance pour la République. La cascade de sorties médiatiques de militants et de responsables du parti présidentiel au cours de ce début de mandat du président de l’Alliance pour la République, cristallise au moins un ressentiment de malaise interne et externe de la mouvance présidentielle.
Ce sont le plus souvent des proches du fondateur de la formation républicaine qui portent au-devant de l’opinion leurs misères sociales et politiques. Ils ont ainsi franchi le seuil de la réserve classique des gouvernants et de la discipline partisane, en acceptant de se confier à la presse privée. Ce pas de détresse transforme la presse en une mère porteuse de toutes les douleurs militantes contenues. Ce nouveau cap communicationnel exprimant le désarroi individuel traduit une rupture dans la communication personnelle et institutionnelle entre les anciens compagnons de la première heure du président de la République en exercice et le chef de la formation républicaine.
Le président de la République, chef de parti, devient de fait la seule autorité morale et éthique du parti. C’est probablement cette muraille organisationnelle et politique entre le chef de l’État, le seul maître à bord du parti présidentiel, qui suscite et alimente toutes ces réactions militantes dénonçant, sous des formes diverses, l’exclusion des anciens compagnons de la gouvernance de l’État et du parti républicain.
Les frustrations, la colère noire et les déceptions contenues se conjuguent dans les esprits de responsables laissés en rade à tort ou à raison. Les états d’âmes rendus publics par la presse dénotent un malaise grandissant. Ils sont nombreux à se plaindre de l’état de santé démocratique et de gouvernance de l’Apr. Entre les lignes de ce malaise structurel propre au parti au pouvoir se confondant à l’État et aux institutions républicaines, se dessine certainement une crise politique. Les anciens compagnons ont-ils été écartés au profit des alliés et des transhumants ? L’Alliance pour la République est-il réellement le parti qui exerce le pouvoir ? Le président de l’Apr a-t-il une nouvelle ambition après ces deux mandats consécutifs ?
Ces questions, fondamentales pour le présent et le futur du pouvoir républicain, sont ouvertes. Elles n’ont pas de réponses républicaines partagées. Elles risquent de donner aux frustrations et à la révolte contre le président tout puissant de l’État et du parti un cachet singulier. La révolte contre la personnalisation du pouvoir et du parti présidentiel est de l’ordre du possible politique. Le ressenti le mieux partagé dans les rangs des mécontents républicains réside dans le fait que le président de la République et celui de l’Apr, exerce seul son double pouvoir politique, de chef de l’État et de son parti. La formation républicaine devient une coquille vide.
La concentration excessive de ce pouvoir de décision entre les mains du président de la République accentue naturellement l’isolement du maître du jeu de ces responsables et anciens proches, exigeant plus de loyauté plus d’égards, de respect et de considération aux apports et statuts différenciés des militants et responsables cofondateurs de l’Apr et artisans de l’arrivée du pouvoir. La lutte des tendances se fera probablement entre différents pôles : loyalistes républicains, arrivistes, opportunistes, héritiers et successeurs légitimes de l’Après Macky Sall.
Le “troisième” mandat présidentiel pourrait être le déclencheur de cette crise en latence de l’Alliance pour la République. Les adversaires de cette option du “troisième” mandat savent déjà de quoi demain sera fait. Les limogeages de responsables républicains ayant soutenu publiquement que le président de la République n’aura pas droit à un “troisième” mandat présidentiel, indiquent suffisamment les risques des adversaires d’une probable candidature du président de l’Apr à la prochaine présidentielle de 2024.
Le refus présidentiel de faire de cette question l’objet d’un quelconque débat interne et/ou public à côté du malaise institutionnel dans lequel se meut la mouvance présidentielle, participe d’une prise de conscience de la crise en perspective de la gouvernance de l’Alliance pour la République. Le parti présidentiel pourrait-il éviter les crises qu’ont connues les socialistes et les libéraux, avec des cascades de départs de responsables frustrés et bannis de la succession ? Rien n’est moins sûr.
L’Apr a moins d’expériences de gouvernance des affaires publiques et de gestion des conflits interpersonnels que le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais. L’usage systématique de la presse privée pour exprimer des états d’âme des responsables révèle un déficit de maturité politique et de l’inexpérience de gouvernance des affaires publiques et privées. La moindre étincelle entre le président de l’Apr et les franges frustrées, mettra le feu dans la maison républicaine. Une poudrière en perspective…