Me Moussa Sarr est d’avis qu’il est impératif de marcher en direction de la modernisation de la justice. Pour cela, il préconise entre autres, dix commandements, pour ne pas dire mesures, qui vont assurément permettre le renforcement de l’indépendance de la magistrature, renforcer les droits humains tout en créant une autonomie pour le Parquet.
Par Abdoulaye MBOW
Au Sénégal, la justice est pointée du doigt par une masse critique qui soutient mordicus qu’elle est à la solde de l’Exécutif. Au cœur de tous les débats, la famille judiciaire cherche les voies et moyens pour afficher une indépendance. Et, c’est l’un des combats que porte l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) dont le président, qui n’est autre que Souleymane Téliko, ne rate aucune occasion pour aborder le débat. Pourtant, des solutions ne manquent pas. C’est en tout cas ce qu’a fait savoir Me Moussa Sarr, avocat à la Cour, lors de l’émission décryptage.
Une occasion pour proposer pas moins de solutions qui pourraient permettre à la justice de corriger une certaine perception négative. Selon lui, «il faut définir et encadrer les notons d’intérim et de nécessité de service. C’est pour éviter une éventuelle utilisation de ces mécanismes pour sanctionner implicitement un magistrat en l’affectant». Mais aussi, «remplacer le Conseil supérieur de la magistrature par le Conseil supérieur de la justice en modifiant sa composition par l’intégration d’autres segments de la société (barreau, universitaires, société civile avec les magistrats élus par leur pairs comme majoritaire). Ce conseil aura pour objectif de s’occuper de la carrière et de la discipline des magistrats». Dans la même lancée, il propose aussi le «retrait du président du Conseil supérieur de la magistrature, dont le président sera désormais élu par les membres du Conseil supérieur de la Justice», non sans aller dans le sens de «créer un Conseil national de la politique pénale auprès du Procureur général près de la Cour suprême. Un organe représentatif, composé de magistrats, d’avocats, policiers, gendarmes, douaniers, agents des Eaux et forêts qui assistera le procureur général dans l’élaboration de la politique pénale et veillera à sa mise en œuvre».
Poursuivant, Me Sarr propose également la «suppression des instructions données par la hiérarchie au Parquet en matière de poursuites individuelles. Ceci, pour éviter toute polémique sur une prétendue instrumentalisation du Parquet», et «créer le juge des Libertés et de la détention, qui sera le seul habilité dans la phase de poursuites à décerner un mandat de dépôt». Logique pour logique, pour changer le visage de la justice, il milite pour la «réglementation de la détention provisoire en matière criminelle pour l’encadrer dans un délai de deux ou trois ans afin d’éviter les longues détentions», pour ensuite veiller à la «suppression du principe de l’opportunité des poursuites du Parquet pour les dossiers concernant des délits ou questions de gouvernance financière».
Par cette mesure, explique-t-il, «tous les rapports des corps de contrôle ainsi que ceux de l’Ofnac seront transmis dès réception par le Parquet aux juridictions de jugement». Pour terminer, Me Moussa avance deux dernières propositions. Il s’agit de la «suppression de toutes les dispositions liberticides dont la plus emblématique est l’offense au chef de l’État», et de l’«instauration des peines alternatives pour les infractions mineures pour désengorger la population carcérale.»