Requiem-Hommage à Sidy Lamine Niasse (Mamadou SY Albert)

Sidy Lamine Niasse, ancien Président directeur général du groupe de communication Walfadjiri, a marqué l’évolution politique du Sénégal. Il a été de toutes les batailles démocratiques de son peuple. La liberté d’expression, les libertés publiques, l’indépendance politique et économique du Sénégal, des pays dominés comme la Palestine et le respect de la diversité culturelle, religieuse, ont été parmi les combats personnels du citoyen, du journaliste et de l’homme religieux musulman. Les citoyens sénégalais se souviennent, un an après sa disparition le 4 décembre 2018, de cet intellectuel engagé.
Sidy Lamine Niasse restera, à jamais, un acteur social, culturel, religieux et politique. Un militant sincère du renforcement-consolidation-appronfonssement de la démocratie pluraliste et des libertés.
Un arabisant au centre des tumultes de sa société déchirée en mille opinions. C’est sous ce visage que Sidy Lamine Niasse surgit au cœur des espaces publics sénégalais. C’est du moins, l’image tronquée que ses détracteurs intimes ont voulu distiller dans l’opinion publique nationale, peu habituée de voir des acteurs se réclamant de l’Islam, de la Charia, se mêler de si près à la gouvernance des affaires publiques républicaines.
Le «Mollah de Sacré Cœur» fut une de ces formes d’expression de stigmatisation d’un intrus, la mieux partagée pour désigner un homme engagé, très fortement, à côté des démocrates de son pays, mais simplement différent de l’élite pensante fabriquée par l’esprit français pour correspondre au rationalisme occidental de la pensée cartésienne. Sidy Lamine Niasse était, il est vrai, distingué et bien différent de l’élite francophone et de ses valeurs culturelles rationnelles qu’il a su épouser sans adhérer à leur essence ni se contredire en leur sein. Il était surtout radicalement différent de cette élite politique gouvernante et opposé à celle de son opposition gagnée par la guéguerre vindicative pour la préservation et/ou la conquête du pouvoir républicain.
Il était d’autant différent que par sa trajectoire, son discours, ses intimes convictions politiques et idéologiques, il ne convoitait rien de plus qu’ils auraient de plus que lui. Il ne cachait guère d’ailleurs son identité basique, son indépendance dans ses convictions et affirmait sa personnalité sans être péremptoire.
Au fil de l’histoire du Sénégal, parallèlement à son parcours personnel, l’arabisant incarna l’irruption de la seconde vague d’une élite arabophone tenue injustement à l’écart de la République, des controverses politiques de la bonne ou mauvaise gouvernance, après Cheikh Gaïndé Fatma et Al Makhtoum, Serigne Cheikh. Il finira par faire valoir ses différences, son style et son ambition, et se faire accepter par une certaine élite cartésienne, il faut le dire.
Sidy Lamine a donc su s’imposer, intelligemment, sans aucun complexe, à la société sénégalaise «occidentalisée», de par son statut d’intellectuel arabisant et d’homme de culture à l’esprit ouvert. En ce sens, il est un intellectuel au vrai sens du terme, formé certes dans la langue arabe, mais fier d’être ce qu’il est, notamment un idéologue de culture islamique doublé du manteau de démocrate des temps modernes, avec reconnaissance des gens de foi chrétienne.
Il tentera d’incarner jusqu’à son dernier souffle ce sacerdoce qu’il a choisi en âme et conscience, et s’y emploiera avec rigueur et fermeté tout au long de sa brève vie sur terre. L’audace de l’homme n’a point pris de ride, ni son engagement citoyen s’émousser, encore moins ses fortes convictions se laisser ébranler par les épreuves de la vie qu’il aurait connues, sachant allier les opinions de ses contempteurs sur lui, et comment, dans le même temps, gommer définitivement ces stéréotypes préfabriqués, tous faits d’incompréhensions abusives et de fausses interprétations le concernant lui Sidy Lamine Niasse ; ou touchant la connaissance islamique profonde et la vie du prophète Muhammad (Psl). C’est ainsi qu’il a fait bouger des lignes doctrinaires tranchées, des certitudes carrées et des préjugés indécrottables et tenaces. Des clichés quasi insurmontables et entretenus par beaucoup de ses collègues et sortants d’école de même promotion.
L’hebdomadaire Walfadjiri qu’il va créer, au début des années 80, sera un instrument-phare parmi les organes d’information privés du Sénégal et qui va accompagner les évolutions souvent douloureuses du Sénégal. Des années durant, le directeur de publication résistera contre vents et marées, avec son équipe, à toutes les épreuves d’une profession, quatrième pouvoir naissant, pour réguler la démocratie. Ils se battront énergiquement pour la conservation à tout prix de cette liberté de penser et d’écrire, puis la pérennisation de la liberté de presse et la libre expression démocratique. La presse d’État venait d’avoir une co-épouse appelée presse privée, devenue l’incarnation du quatrième pouvoir indépendant et souverain.
La création du groupe de presse Walfadjiri en constitue l’aboutissement naturel, à ce titre, et consacre le couronnement de toute une vie professionnelle d’un homme digne, modeste et passionné d’intérêt général. C’est aujourd’hui, un des consortiums les plus influents du Sénégal. Sidy Lamine Niasse a eu ce mérite-là : celui d’avoir porté son groupe de presse et d’avoir contribué à la construction patiente d’une presse privée autonome, critique et constructive avec formatage pour une opinion publique et une citoyenneté responsable.
L’ancien Président du Groupe Walfadjiri a été  également au cœur de toutes les batailles démocratiques sous les quatre derniers régimes politiques différents qui se sont succédé depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Il a incarné cet esprit de la justice sociale, de la liberté collective et individuelle, de l’indépendance de la presse et de la société civile, à l’égard de tous les pouvoirs socialistes, libéraux et républicains et des influences religieuses ou confrériques. Cette forte personnalité, neutre, critique, a été également, un acteur de la paix sociale et de la stabilisation des équilibres précaires de la société sénégalaise contemporaine.
Sidy Lamine Naisse restera un facilitateur du dialogue politique, social, culturel et religieux, à des moments critiques de la vie politique et sociale de son pays.
Un an après sa disparition, les Sénégalais se souviennent naturellement de cet homme engagé au service de la justice et de l’Islam, en raison de son audace, devenue légendaire dans la conscience collective nationale, de son esprit critique et de ses apports multiples au renforcement de la presse libre, des libertés publiques et la prise en charge des besoins réels des populations.
En ce moment de souvenirs de l’homme et de son action, constante, en faveur des démunis et des faibles de la planète, le Sénégal traverse une situation qui, certainement, ne l’aurait guère laissé indifférent et insensible. Sidy Lamine Niasse a laissé de nombreux Sénégalais orphelins de son discours critique et de son audace.
Reposes en Paix auprès de ton guide spirituel, Baye Niasse et de tes proches, “Mollah”….

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